Le virus de la maladie de Carré (Canine Distemper Disease en anglais) provoque une maladie grave chez les chiens (et les furets), elle est souvent mortelle. L’évolution de la maladie dépend de la réponse immunitaire de l’animal : les chiens qui développent une réponse forte et rapide guérissent rapidement tandis que les chiens qui ont une réponse immunitaire plus faible et tardive auront plus de probabilité de développer des formes aigües ou chroniques.

Les signes cliniques sont divers et la maladie n’est pas toujours diagnostiquée. Il est donc très important de la prévenir et le seul moyen de protection efficace contre la maladie de Carré est la vaccination, qui peut se faire dès le plus jeune âge du chien (2 mois).

Le virus de la maladie de Carré

Le virus de la Maladie de Carré appartient à la famille des Paramyxoviridae et au genre Morbillivirus. Cette famille regroupe plusieurs virus proches les uns des autres : Peste des Petits Ruminants (en Afrique) et la Peste Bovine qui se traduisent par des pneumopathies (maladies qui touchent les poumons). La Peste Bovine a été éradiquée dans les cheptels de bovins grâce à des efforts internationaux de surveillance, de prévention et de soins. Le virus présente aussi des similitudes avec celui qui cause la rougeole. Elle représente encore un fléau dans certains pays (notamment en Afrique) et certains cas sont encore observés dans les pays occidentaux. Néanmoins, la maladie de Carré n’est pas transmissible à l’homme.

Le virus est un virus à ARN enveloppé qui est fragile dans le milieu extérieur : il est sensible aux désinfectants (détergents, alcool à 70%). Il possède une protéine de matrice, une enveloppe et un complexe ribo-nucléo-protéique qui code pour des facteurs impliqués dans la réplication. Il peut s’attacher, fusionner et infecter les cellules de l’organisme grâce à deux protéines portées par l’enveloppe du virus : la protéine H (activité hémagglutinine) ou HN (activité hémagglutinine et neuraminidase) est responsable de l’attachement en reconnaissant un récepteur présent à la surface de la cellule, tandis que la protéine F est responsable de la fusion en insérant son peptide fusogène dans la membrane cellulaire.

Épidémiologie de la maladie

La maladie aurait été importée en Europe par des colons espagnols au 17ème siècle revenant du Pérou avec des chiens malades [1]. Des archives prouvent que la maladie était en Europe dès le 18ème siècle. Elle faisait partie des maladies les plus mortelles avec la rage mais grâce au vaccin, la mortalité a nettement diminué. Les chiens et les loups sont considérés comme étant les vecteurs de la maladie [3].

Le virus se transmet par voie respiratoire (aérosols) entre les chiens, la transmission verticale de la mère au chiot n’est pas décrite. « L’excrétion a lieu dès le septième jour après l’infection via les sécrétions corporelles, la salive, les jetages oculaire et nasal, l’urine et les fèces. » [1].
Il infecte le pôle apical des cellules alvéolaires et se multiplie. Il se sert de cellules immunitaires (lymphocytes B et macrophages) comme support de multiplication et de dissémination. Une première phase de virémie de deux ou trois jours permet au virus d’atteindre la moelle osseuse et la rate. Sept jours après l’infection, il y a une seconde virémie au cours de laquelle le virus est isolé dans le sang, dans les tissus lymphatiques et il atteint les tissus cibles : l’encéphale et les épithéliums (cellules alvéolaires pulmonaires, cellules épithéliales intestinales et cellules des épithéliums malpighiens).

Si la réponse immune est d’intensité suffisante, il y a alors blanchiment de l’animal (10 à 30 jours post-infection).
Si la réponse immunitaire est d’intensité insuffisante, il y a alors infection chronique de l’animal. Dans ce cas, on retrouve le virus à deux endroits (on parle de persistance virale) : dans le système nerveux central et dans les coussinets plantaires.

Symptômes et lésions causés par le virus

En phase aiguë

Pendant la première virémie, l’animal présente une hyperthermie modérée qui passe souvent inaperçue. Pendant la seconde virémie, on observe de nouveau une hyperthermie.

L’infection se caractérise par du jetage oculaire et nasal, des troubles respiratoires avec toux (bronchopneumonie), de la diarrhée, parfois une hyperkératose des coussinets plantaires et de la truffe (rare mais très caractéristique). Une encéphalite aiguë peut se mettre en place (incoordination, convulsions, parésie postérieure, inclinaison de la tête, convulsions, ataxie).

La mort survient quelques semaines après l’infection aiguë si le chien n’a pas une immunité suffisante. Chez le chiot, des lésions dentaires sont visibles tout comme une hyperkératose de la truffe et des coussinets plantaires.

En phase d’infection chronique

Il existe une forme nerveuse chronique si la réponse immunitaire se met en place tardivement. Dans ce cas, une démyélinisation apparaît, le virus est présent dans le système nerveux central et parfois les épithéliums. La mort survient ou le chien surmonte l’infection mais reste infecté pendant deux à trois mois. La guérison est lente et ne se fait pas souvent sans séquelle. [1]
L’autre forme chronique est beaucoup plus rare : elle aboutit, 24 mois après l’infection, à une encéphalite du chien âgé (maladie auto-immune démyélinisante : le virus se multiplie à bas bruit dans la substance grise et une réponse immunitaire contre le virus et contre des protéines cellulaires liées à l’infection se mettent en place). Les symptômes classiques de l’encéphalite du chien âgé sont les suivants : syndrome de poussée au mur, paralysie postérieure, ataxie et posture du dos voussé.

Pose du diagnostic

Si votre animal présente un soudain abattement ou des symptômes précédemment cités, il est important de consulter le vétérinaire. Le diagnostic est expérimental.
Des prélèvements seront réalisés (prise de sang pour constater une diminution des lymphocytes et leucocytes, frottis des conjonctives ou des muqueuses préputiale ou vaginal pour rechercher la présence de virus, recueil des urines) pour effectuer des analyses (RT-PCR en laboratoire par exemple).

Le traitement de la maladie de carré

Malheureusement, il n’existe pas de traitement spécifique de la maladie. Le vétérinaire peut donner un traitement symptomatique (anti-diarrhéique, perfusion, antitussifs, anticonvulsivants, antibiotiques) [2] pour aider le chien à mieux surmonter cette épreuve.

La prévention

Les vaccins utilisés ont été développés il y a longtemps, mais sont toujours très efficaces à l’heure actuelle. Il s’agit de vaccins vivants polyvalents : ils sont toujours associés au vaccin contre l’Adénovirus canin type 2 (responsable de l’hépatite de Rubarth) et peuvent être classiquement associés aux vaccins contre la parvovirose, la leptospirose et la rage.

Le vaccin peut être utilisé chez les chiens à partir de 2 à 3 mois, et il n’y a pas de limite supérieure d’âge. La maladie de Carré n’est pas spécifique du jeune chien : elle touche les individus de tout âge, donc la vaccination est utile, voire nécessaire même sur les chiens plus âgés.

Les injections de primo-vaccination se font à 2 mois puis à 3 et à 4 mois. Le premier rappel a lieu 1 an après, puis tous les 3 ans. La protection vaccinale est obtenue très rapidement : à partir de 5 jours si l’administration s’est faite par voie sous-cutanée. Le vaccin est efficace pendant 3 ans. Les réactions post-vaccinales existent, mais sont rares : on peut parfois observer une immunodépression et une thrombocytopénie transitoires, une encéphalite chez les chiens immunodéprimés (s’ils sont atteints de parvovirose par exemple).

Quant aux élevages canins, la protection passe par le respect des bonnes conduites d’élevage (hygiène, respect des normes de densité…) et par la vaccination synchronisée des reproducteurs (tous les trois ans) ainsi que la vaccination des chiots âgés de huit à douze semaines. En cas d’infection d’un élevage, la vaccination peut débuter dès l’âge de six semaines.
Si d’autres chiens sont présents dans la maison et ne sont pas correctement vaccinés, il faut les isoler du malade, bien désinfecter les lieux (avec des désinfectants classiques ou de l’alcool) et consulter régulièrement le vétérinaire pour suivre la situation.

Bibliographie

[1] D. Thiry, M. Heuschen, C. Thiry, T. Frymus, E. Thiry. Maladie de Carré. EMC – Vétérinaire, 2013 ; 10(3) : 1-9 [article MG 0600]

[2] La maladie de Carré – Vetopedia. 2022 https://www.vetopedia.fr/maladie-de-carre/

[3] A. Beineke, C. Puff, F. Seehusen, W. Baugärtner. Pathogenesis and immunopathology of systemic and nervous canine distemper. Vet Immunol Immunopathol 2009; 127: 1-18.